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Vincent
mercredi 22 août 2007, par
Ton prénom répandu sur le sol cireuxVincentEt ce lent sanglot du vent qui saigne.
Écouter.
I.
Fenêtres — fanons — la gueule ouverte sur le cielGris bleu gris vert blancTu vomis l’odeur des couleurs du peintreCouvercle d’une marmite à confiture qui siffle et qui rougitTu étais fier alors, tu portais tes tableaux comme des colliers de pierreMais la rougeur des tournesols, le dos des paysansDressent contre le toit leurs poutres de lumièreEt tu hurles maintenant que des rires percent la membrane du toît.Le nom de Vincent s’agite sous les vitresJe viens te tuer, vieille baleine de pierreJe viens soustraire, soulever tes cloisonsRendre poussière la ville comme on abat des mursII.
The Cottage, 1885Ton cri de vieille femme — une béance — s’accroche au gros menton du touriste. Ils n’entendent pas ton cri. Ton cri :-- Passez ! Passez ! Passez votre route !Écrasez donc les roseaux pourris.Vous n’aurez jamais l’envers de mes murs de torchis.De mes robes de torchis.De mes yeux de torchis.Passez ! Passez...Les arbres se cassent, le cielEst fermé comme un mur-- Passez ! Oubliez-moi...Oubliez le torchis !III.
Autoportrait au chevaletMais ton cadre. Il n’est pas droit ton cadre.Si tu peins des losanges, des losanges te peignentVitreuxPlus losange que les losangesLosangulaire bleu puis vertTes lèvres rhombes sont pleines de peintureTu l’as embrassé, n’est-ce pas ?Le grenat du cheminLe sang du tournesolIV.
Two Women in the Moor lifting potatoesLe ciel nous casse le dosLa tourbe nous casse le dosLa charrette — la charrette nous casse le dos.Riez donc : le cadre nous casse le dosAmsterdam, même, nous casse le dosC’est le temps qui vous ment.Mais ce qu’ils ne voient pasPeintres, prophètes ou bureaucratesC’est que notre dos,Notre dos porte le monde.V.
Head of a woman, 1885Approche, mon grand.Un regard,Un regard encore.Creuse donc mon corps crucifiéCrache.Je suis une ombre de femmeInfinie comme je te voisJe suis celle que tu persécutes.Ah, va-t’en !T’es pas un homme, petitT’es pas celui qu’il me fautJe vois ton épaule mais je n’la vois plus.D’ailleurs je n’parle plus de moiVois, petit : j’attends.VI.
Glass with yellow rosesPosées, brutales, comme des glaneuses, sur un coin de table en labours.Redressez-vos cous contre le verre. Que voyez-vous ?Une femme d’ocre, et nue comme vos soupirs.VII.
TournesolsUn bouquet de femmes, ficelées comme des putainsEnvaséesUn bouquet jaune et rouge.Mais c’est qu’on fâne, mes jolies !Allez, pleurez — qui vous entendra ?Qui vous comprendra !-- ShhhffffShff shfffgkVous qui passssezVous tous qui passssezParlez nous de Vinsssent ssssi vous l’avez connuDites nous qu’il sss’est trouvé une gentille femmeDites nous qu’on l’a aimé.Ne nous parlez plus de sssangVIII.
Kneeling écorchéLa terre écrasée sous ton genou — ocritude d’un corps qui entreprend sa liquéfactionJe t’ai vu dénoircir au pinceau la plaque avide du temps.Tu te courbais à l’envers pour frapper des silences.MaintenantLes corbeaux de la peur se tapissent entre tes muscles rougesPlus rouges que ton sangQui n’en finit pas de déborder des cadresDans les cadres, sur le blé.Ton prénom répandu sur le sol cireuxVincentEt ce lent sanglot du vent qui saigne.XIX.
Sursauts de pierre — convulsions.Ta bouche crache du mauvais vin.Est-ce que personne ne peux te voir mourir ?